vendredi 12 novembre 2010
L'interview de Lou Doilon, pour son rôle dans Gigola, projeté pour l'ouverture de Chéries-Chéris, ce soir !
A l’occasion de l’ouverture du festival Chéries-Chéris, TÊTUE a rencontré en exclusivité Lou Doillon, héroïne du film «Gigola». Quelques révélations et, surtout, beaucoup de spontanéité.
TÊTUE: A la première lecture du scénario de Gigola (rédigé par la réalisatrice Laure Charpentier, qui s'est inspirée de sa vie) quel a été votre sentiment?
Lou Doillon: J'ai trouvé que c'était un scénario insensé. Je voulais savoir qui avait écrit cette histoire. J'ai rencontré Laure Charpentier (lire son interview ici) en juin 2009 à Paris. C'était dans un vieil immeuble improbable. En moins d'une heure, elle m'a expliqué son histoire, m'a montré des photos et des bouquins des années 60. En sortant, je savais que je devais tenter ce film, même si ce n'était pas safe: Laure n'avait jamais réalisé de film et le projet était surréaliste. Ça promettait d'être une aventure de cinglés avec, en plus, quelque chose à défendre. Et pour moi qui suis atypique, c'était parfait.
Comment avez-vous appréhendé ce rôle?
J'ai eu la «chance» de commencer le film juste après une dépression. Avant j'aurais pu avoir la même force que Gigola, mais là c'était un gros challenge. Au final, je crois que cela a donné plus d'ambiguïté à l'héroïne. Pour interpréter ce personnage, je me suis rasé la moitié de la tête, je n'aimais pas l'idée d'avoir une perruque. J'étais devenue homme le jour, semi-homme le soir. Durant le tournage, j'étais dans tous les plans, on travaillait jusqu'à 16h par jour! Ça m'a vampirisée.
Et les scènes lesbiennes?
Elles ne m'ont pas fait peur. Ça ne me demande pas beaucoup d'imagination d'aimer les femmes. J'ai assez subi d'hommes dans ma vie pour trouver du réconfort dans les envies lesbiennes.
Qu'avez-vous appris sur le milieu homosexuel des années 60?
J'ai découvert une génération de lesbiennes qui a lutté pour s'affirmer, des garçonnes costaudes avec une vie de dingue, avec des désirs de femmes et d'enfants. Elles vivaient leur vie à fond, se mettaient tout le monde à dos, se faisaient même agresser sexuellement par les hommes. C'était ultra violent.
Sur le plateau, quelles ont été vos relations avec Laure Charpentier, votre «double»?
J'ai fait ce que Laure voulait. Parfois, j'ai travaillé sans elle, certaines choses étant trop douloureuses pour elle. Ce film, c'est sa vie. Elle avait besoin de le faire. Comme une confession. On y retrouve des garçonnes ayant réellement existé, ses deux enfants...
Comment sort-on d'un rôle si difficile?
J'en suis sortie endurcie. Ma voix a changé. Je n'avais ni peur, ni mal. Ça m'a pris un mois pour aller mieux et pour avoir à nouveau un rapport avec mon corps. Sexuellement, ce film m'a tout pris. Sur le tournage, je rassurais les actrices, j'étais un peu régisseuse, un peu psy, un peu fille spirituelle de Laure. Bref, j'étais sur tous les fronts et quand ça s'est fini, sur plus aucun. Mais si je ne m'étais pas donnée autant, tout se serait cassé la gueule. Gigola est un film de genre, pas du tout mainstream, qui nécessite beaucoup de foi et de temps pour que le résultat soit bon.
Qu'attendez-vous de ce film?
Si une nana peut assumer sa sexualité grâce au film, le pari est gagné. Pareil si ça peut faire parler des drag kings et de la communauté LGBT. J'espère aussi que ça ouvrira les esprits. Pour le moment, quand on présente Gigola dans des festivals étrangers, les gens sont gênés. Ce rôle leur semble dangereux. Alors que moi, je croyais vraiment qu'on avait dépassé tout ça.
Et si vous deveniez une icône gay?
Je trouverais ça génial!
Propos recueillis par Cécile Strouk pour Têtu.com
Photos: Visual
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